Un halo autour de nos pensées

Une pensée trouble…ou un trouble de la pensée

Thème : Leadership

Titre : L’effet halo – The Halo Effect

the halo effect

Apprendre à penser…

Auteurs : Phil Rosenzweig, né en 1955, est professeur à l’université IMD de Lausanne, où il travaille et enseigne autour des sujets de l’organisation et de la stratégie. Il a déjà pas mal baroudé aux Etats-Unis, notamment lors de son doctorat à la Wharton School (Pennsylvanie) ou encore lors de ses six années (folles ?) à la Harvard Business School. Bon tout ça pour dire que le bon vieux Phil n’est pas le dernier des inconnus, encore plus après la parution de son livre The Halo Effect qui n’a pas laissé indifférent !

Date de parution : 2007.

Nombre de pages : 174 pages.

Temps de lecture : 7h.

L’idée en moins de 60 mots : Attention aux effets trompeurs provoqués par le contexte, l’apparence, les corrélations,… Nous avons souvent tendance à trop noircir ou valoriser, comme dans un effet d’halo autour des sujets abordés. Attention à ne pas vouloir toujours tout expliquer : un fait n’a pas forcément une cause déterminée et les aléas ont une part bien plus importante qu’on ne le pense habituellement.

3 meilleures citations :

« Tant que nous n’avons pas de solides réponses, nous pouvons seulement faire des spéculations. »

« L’impact du style personnel d’un manager sur les performances de son entreprise sont d’environ 4%. » – Etude menée par M. Bertrand et A. Schoar

« Dans un monde sans vérités certaines, les seules voies pour affiner le flou résiduel sont une meilleure connaissance et une meilleure compréhension. »

Notes :

Facilité de lecture : 9/10 The Halo Effect démarre de manière très accessible avec 3 histoires vraies, dont 2 très fournies sur les entreprises Cisco et ABB. On accroche très vite et même si l’on navigue un peu plus dans la théorie par la suite, les illustrations sont nombreuses et c’est un bon point.

Dans la tendance actuelle : 9/10 – aborder le sujet de l’impartialité des idées sera toujours dans la tendance je pense. Alors en ajoutant des cas concrets récents, on est en plein dans la tendance actuelle. Ce livre est un peu intemporel en fait.

Pertinence / Originalité des idées développées : 8,5/10 – je n’ai pas lu beaucoup de bouquins qui taillent aussi violemment des bestsellers et des études réalisées par des pointures, avec les arguments qui vont bien, la conviction, l’envie. Bref un livre qu’on devrait lire en tout 1er lorsque l’on apprend à lire…malheureusement cette configuration là, ce n’est pas pour demain !

Applicabilité des conseils : 8,5/10 – nous sommes loin d’être tous patron d’une grande multinationale (moi le 1er !), donc de ce côté-là c’est raté pour appliquer les conseils du bouquin. Par contre avoir un sens critique de toutes ses lectures et même plus généralement de tout ce qui tente de franchir les frontières de notre cerveau, ça c’est largement à notre portée !

Note globale : 8,8/10                 

3 actions retenues :

  • Soyons vigilants en toute occasion ! En effet notre cerveau nous joue des tours et le contexte dans lequel on est ou dans lequel on assiste à un évènement influe fortement sur notre ressenti et nos conclusions – trop souvent hâtives. Tentons donc de décorréler les messages subliminaux / l’image associée à une idée, une entreprise,…, des données intrinsèques que l’on considère : la performance intrinsèque, la réelle utilité d’un projet,…
  • Notre action a beau être parfaite et très bien coordonnée, son impact sera toujours limité par des facteurs non maîtrisables par une seule personne, à commencer par les aléas, ainsi que les tendances du moment, les imprévus économiques, politiques, réglementaires, climatiques,… Soyons en conscient, sans pour autant réduire notre action mais plutôt en l’orientant avec précision, en ciblant les points qui méritent toute notre attention.
  • La réussite passe par l’échec, la chance et la stratégie plutôt que par la performance pure : il vaut mieux réussir la majorité de ce que l’on entreprend et accepter une part d’échec (< 50% dans l’idéal) plutôt que ne rien tenter et regretter ensuite. Il faut également intégrer le facteur chance dans notre action et savoir que réussir est avant tout synonyme de rendement plutôt que de record. Planifier, visualiser, échelonner, fixer des objectifs sont des étapes vers la réussite.

Synthèse : On démarre ce livre avec l’exemple de l’entreprise LEGO, fleuron du jouet à assembler et fierté du Danemark, qui n’a fait que progresser ces dernières décennies. Alors pourquoi au milieu des années 2000, les résultats ont sombré dans le rouge et le modèle de développement qu’était LEGO a disparu ? La réponse du Conseil d’administration à cela ? Le licenciement pur et simple de Poul Plogmann (P.P. pour les intimes !), le PDG de l’époque. La raison : une diversification trop importante dans des domaines peu rentables, comme par exemple les boîtes vendues sous la franchise Harry Potter,… Diversification qui avait été l’objectif fixé à M. Plogmann lors de son recrutement. Bien sûr si les rentrées d’argent avaient été au rendez-vous, on aurait crié à la gloire de l’innovant et créatif P.P.

Enfin toujours est-il que la chute s’est maintenue quelques temps après ce licenciement, preuve que l’homme n’est pas (totalement) responsable des mauvais chiffres. Cet excellent exemple nous ouvre une grande porte vers des situations similaires de gloire suivies de déclin. Eh oui, il n’y a pas que la Grèce antique qui est passée par là…

  1. La descente aux enfers…en 3 étapes

Phil Rosenzweig nous donne le mode d’emploi pour passer de l’entreprise modèle à la société lambda en plein marasme :

–          Avoir une croissance forte de sa valorisation en capital (à la Bourse) pendant plusieurs mois voire plusieurs années et atteindre des valeurs records.

–          Obtenir des résultats économiques probants et positifs de manière régulière.

–          Quitter la pente dorée de la croissance éternelle en rejoignant le monde des « résultats mi-figue, mi-raisin ».

Ces 3 étapes peuvent paraître très éloignées les unes des autres, notamment la 2ème et la 3ème. En réalité et les exemples le prouvent, tout peut aller très vite. Encore plus dans l’esprit des gens.

Je m’explique : tout est rose, bref la société – Cisco et ABB sont les exemples cités – a de bons résultats économiques, une croissance durable. Le reste suit : « nécessairement » les valeurs, la stratégie, la qualité de vie au travail, la place du client dans la société ont tous les voyants au vert. Enfin du moins de l’extérieur… C’est là l’erreur de l’esprit humain : l’effet halo. Parce que les résultats financiers sont au rendez-vous, on a tendance à tout valoriser en mieux. Ajoutez une mauvaise année financière et tout bascule : mauvais choix, ligne directrice absurde, manque de cohérence, soucis de communication, mal être des employés,… Les exemples sont nombreux, pas uniquement dans le livre. Je pense par exemple à Kodak, qui était un fleuron de la photographie, à la pointe de l’innovation. Et après coup on conclut qu’elle a raté le virage du numérique. Des hauts, des bas.

  1. Un monde subjectif

Comment juger les qualités d’une personne sans prendre en compte son physique, ses diplômes, son passé ? Sur le papier cela semble faisable. Mais dans les faits…

Phil Rosenzweig nous offre des pistes de réflexion pour comprendre qu’est-ce qui pêche dans la pensée humaine. Quelles sont les raisons de nos jugements subjectifs ?

On parle tout d’abord de cet effet halo abordé plus haut : les tendances nous enveloppent et nous manipulent dans nos pensées.

Attention également aux liens établis trop brutalement entre des évènements et leurs causes, ou attention encore à ne pas tout ramener à une seule et unique cause. L’esprit humain a ses limites qu’il vaut mieux connaître et intégrer dans ses raisonnements.

Attention aussi aux corrélations entre les conclusions que l’on peut tirer d’observations. La totale indépendance est souvent bien plus théorique que réelle.

Attention aux durées d’observation avant d’arriver à des théories absurdes : 2 typhons en 5 ans ne veut pas dire qu’il s’en produira forcément 40 chaque siècle. Plus l’étendue temporelle d’observation est grande, meilleurs sont les résultats obtenus. Ou en tous cas meilleure sera la reproductibilité.

Pour synthétiser ces idées, j’ai envie de revenir à un débat bien plus global et philosophique : la nature de l’homme est-elle observable sans les influences de la culture qui le baignent au quotidien ? J’aurais tendance à répondre non, bien qu’en philo c’est plutôt du thèse-antithèse-synthèse qu’il faut servir… Tout ça pour dire qu’il est difficile de juger un individu, une entreprise, une action intrinsèquement, sans intégrer tout le halo l’entourant dans son jugement. Attention aux illusions et aux tours de passe-passe que nous révèle la vie. Soyons prêts à rendre des jugements objectifs !

  1. La bonne recette pour…se planter

Réussir c’est être humble, c’est savoir que l’emprise de son action personnelle ne suffit pas pour mener au succès. Il faut bien plus : une part de chance et de réussite, la rencontre et l’aide d’autres personnes et des tendances qui voguent dans la bonne direction. Il est clairement dit que l’impact du style personnel d’un PDG sur sa société se situe entre 4% et 10%. Le reste ? C’est notamment du travail, de l’excellence. Sur la durée !

En fait pour se planter il faut prendre tout cela à l’envers :

–          Penser qu’un scénario heureux va forcément se reproduire par la suite. Hélas le « retour à la moyenne » évoqué dans Thinking Fast and Slow sera là pour nous prouver le contraire. On se situera autour de la valeur moyenne de notre projet.

–          Valoriser un succès sans prendre en compte la concurrence et le contexte, le marché actuel. On pourra alors être considéré faussement comme un cador. Même si notre voisin a fait dix fois mieux.

–          S’éparpiller dans plein de domaines potentiellement porteurs à l’avenir mais sans aucune certitude et sans assurer ses arrières avec un cœur d’activité sûr de ses forces. On perdra alors beaucoup d’énergie dans tous les sens, sans réellement avancer dans une des directions envisagées. Mieux vaut avancer lentement et sûrement. On en revient à la fable de la course entre l’escargot et le renard…

–          Vouloir tout contrôler, tout maîtriser. Nous ne sommes que des hommes ! Alors si l’on n’accepte pas la part d’aléas de notre quotidien, la tâche devient très compliquée. Il est essentiel de rebondir sur des évènements chanceux.

–          Malgré le flou que l’on ne maîtrise pas et en dépit de nos limites humaines, baisser les bras est une excellente solution pour se planter. On ne cherchera pas à se mettre dans les meilleures conditions, grâce notamment à une meilleure connaissance et compréhension et grâce aux rencontres essentielles de la vie.

Conclusion : S’il faut adopter une attitude de prudence et d’humilité, c’est bien avant tout avec notre cerveau ! En 4 mots, pour synthétiser cet excellent bouquin, prudence, concentration, effort et persévérance sont les clés d’une réussite maîtrisée et construite sur de bonnes bases. Un livre à relire à chaque fois que l’on semble avoir tout compris sur la pensée humaine… 😎

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